Aujourd’hui nous donnons à la parole à Frédéric Bois, psychologue et psychothérapeute, pour nous parler d’une question délicate et assez fréquente : Comment aider quelqu’un qui ne va pas bien, quelqu’un qu’on connait, qu’on aime, et qui exprime un certain mal-être, une souffrance, quelqu’un qui la murmure ou qui la crie ?
Comment l’aider quand, en plus, il ou elle a plutôt tendance à penser que tout ce qui lui arrive vient du dehors, des autres, de la malchance ou du destin ?
Cette personne, ça peut être un frère, un compagnon, une mère, une amie, un être proche et ça peut être soi-même aussi. Que faire lorsque que cette personne qui nous est chère ne paraît pas pouvoir ou vouloir suivre les conseils que nous lui donnons et parmi eux, le fameux : Va voir un psy!!
Il n’existe pas de réponse toute faite, mais près de vous, il y a sans doute un peu de fil et une aiguille – car il s’agit bien de coudre quelque chose - un début de réponse, des pistes de réflexions! C’est en tout cas ce que je vous propose de faire maintenant.
Une question ça peut se soulever, se soupeser et se regarder sous différents angles !
Regardons la si vous voulez bien depuis la place de celui qui voudrait aider son frère, son ami(e).
Nous verrons ensuite les choses du point de vue de celui ou celle qu’on veut aider et qui ne semble pas pouvoir ou vouloir se saisir de nos conseils, enfin nous regarderons cette question depuis l’angle du thérapeute!
Si vous êtes prêt, allons y!
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Si je suis celui qui voudrait pouvoir aider son frère, son ami(e) etc. , comment faire ?
Cet ami, ce frère, que je sens en souffrance, qu’en dit-il, lui? comment se sent-il, lui? Est-il conscient de certaines difficultés ou a-t-il tendance à banaliser les choses? S’il reconnaît qu’il traverse une période difficile, à quoi l’attribue-t-il ? Depuis combien de temps?
Quand je lui parle de se faire aider - Comment je m’y prends?
À quel moment j’en parle avec lui ou avec elle?
Est-ce plutôt à distance d’un moment de tensions, d’abattement ou à chaud comme l’on dit ?
Est-ce que la discussion prend toujours un peu la même tournure ?
Quels sont mes arguments pour l’inciter à se faire aider ?
A quel propos, à quelles idées parait-il le plus sensible?
Vous connaissez peut être cette devinette: Combien faut-il de psychologues pour changer une ampoule ? Un seul, mais encore faut-il que l’ampoule ait envie de changer!
Derrière cette petite histoire, on retrouve trois éléments très importants:
- D’une part, la conscience que l’on a ou pas de son état ( suis-je suffisamment connecté à mon intérieur pour percevoir quand quelque chose ne tourne pas rond)?
- D’autre part, la possibilité ou non de s’extraire momentanément de sa douleur (dans ce qu’elle peut avoir d’une hyper-présence qui écrase le temps) pour se projeter un peu dans un avenir différent ? Est-ce qu’il y a des choses qui pourraient changer, lesquelles et ……..comment selon lui ?
- Troisièmement, la possibilité ou pas de s’en remettre à un autre pour réfléchir ensemble. On peut parfois penser que l’on doit savoir ou que l’on doit pouvoir se débrouiller seul !
Alors, quand on est celui qui aimerait aider on peut parfois s’entendre dire : « Mais, c’est important de prendre soin de toi, pense à toi, c’est pour toi que je dis ça » ! Cette idée d’un « pour soi » dont il faudrait prendre soin, elle est généreuse mais elle ne va pas toujours de soi, justement. Il y a des personnes pour qui c’est très abstrait tout ça,
“ Prendre soin de soi”, sans grande consistance, sans trop d’expérience.
“Prendre soin de soi”, pour certains ça devra d’abord passer par le regard d’un autre bienveillant qui s’inquiète.
Vous savez un peu comme un jeu de bandes au billard.
C’est l’intérêt que tu as pour moi, c’est ton inquiétude, ton regard (toi qui compte pour moi ) sur ce que je vis, ton regard sur moi, qui va me permettre petit à petit de me reconnecter, de me regarder un peu moi-même ; et regarder ce que je vis à l’intérieur - que je ne percevais pas ou que je ne ressentais pas ! »
Cette idée est importante parce que parfois on peut hésiter à dire notre inquiétude à ceux que l’on aime, à dire ce que l’on ressent à leur contact. Quand c’est fait avec tact et bienveillance, ça peut ouvrir les yeux !
Comme le souligne le psychiatre Jean Furtos : « Plus une personne va mal psychiquement moins elle est en capacité de demander de l’aide […] ce qui demande de la part des aidants une certaine patience afin de contourner cette difficulté qui n’abolit pas le besoin ».
Je soulignais que cette démarche pouvait permettre une reconnexion petit à petit : c’est bien là la question du temps, je devrais plutôt dire…des temps.
Le notre qui voulons aider et celui de notre proche à qui il va falloir souvent plus de temps pour entamer un mouvement.
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Si je suis celui qui veut aider…Qu’est-ce que la douleur et la souffrance de mon proche, mobilise en moi ?
Je peux me sentir peiné, touché, mais aussi « impuissant » quand mes conseils, mon énergie et mes « solutions » ne paraissent pas faire bouger grand-chose !
C’est compliqué et pour les deux !
« Plus tu souffres, plus tu te plains ou plus tu restes silencieux, plus j’ai l’impression de ne pas pouvoir t’aider, plus je me sens impuissant, comme si l’impuissance que tu vis – je la ressentais à mon tour ! »
Ce « prendre-soin », si c’est à un professionnel auquel on pense (un psychiatre, un psychologue, un psychothérapeute ou autre) ça peut être rassurant d’y aller ensemble, faire cette expérience avec l’autre.
Y aller ensemble c’est aussi pouvoir porter une demande d’aide et de soin que notre proche ne peut peut-être pas amorcer, envisager, verbaliser par lui-même et pour lui-même.
C’est aussi l’opportunité d’échanger avec un tiers, sur la façon dont chacun vie la situation et le sens que cela peut prendre dans la famille, le couple, la relation.
Si Mon ami n’est pas prêt à faire ce mouvement même en étant accompagné alors il est important de s’autoriser à aller consulter soi-même un professionnel de l’aide quand on souffre trop de cette situation.
C’est une manière de prendre soin de soi et puis de réfléchir ensemble à des pistes nouvelles: c’est une manière d’être aidé à aider !
Ce mouvement qu’on peut faire soi-même, c’est un sacré message qu’on adresse à l’autre! Je vais chercher de l’aide là où je pense que toi même tu en trouverais, ça peut donner envie et amorcer quelque chose!
Avec l’énergie qu’on déploie parfois, Il est important de ne pas méconnaître la fatigue, la souffrance et l’impuissance que tout cela peut générer en soi.
Et j’ajouterais - ne pas méconnaitre non plus, l’agacement, l’usure, le découragement ou l’agressivité qu’on peut ressentir vis-à-vis de l’autre (quand bien même on l’aime) ce sont des émotions et des sentiments qui font légitimement et fréquemment partie de l’équation !
Je pense à une autre chose, c’est l’aide qu’on voudrait apporter !
Nous nous faisons tous une certaine idée de l’aide à partir de nos expériences, de ce que l’on a reçu ou que l’on aurait aimé recevoir.
On peut assez spontanément vouloir aider l’autre comme soi-même on aimerait l’être.
Mais ce qui est valable pour soi ne l’est pas forcément pour l’autre !!
D’ailleurs, c’est un petit exercice très intéressant ça !
Quelle est habituellement votre manière d’aider ?
Comment aimez-vous que l’on vous aide ?
Posez-vous quelques minutes, et songez par exemple à des moments de votre vie où vous vous êtes trouvés en difficultés ?
Vers qui vous êtes-vous tournés – et comment cette personne vous a-t-elle le mieux aidée.
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De la même manière songez à la dernière fois où vous avez aidé efficacement quelqu’un, qu’avez-vous fait, comment vous êtes vous sentis après ?
C’est toujours intéressant de pouvoir identifier cette manière tout à vous d’aider, de pouvoir en parler avec votre proche, de recueillir son avis.
A-t-il, lui, l’intuition de ce qui pourrait lui apporter un peu d’aide et de soutien ?
Voilà quelques premières pistes!
Frédéric Bois
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